Des traces

Le Mans Université-Temos UMR 9016 CNRS-2023

Au regard de cette carte, nous voyons que les traces encore présentes sur le territoire suivent un axe Sud-Est Nord-Ouest qui reflète le passage des combats entre troupes prussiennes et françaises. En dehors des archives, ces traces sont de trois types : les tombes militaires suite à la loi du 4 avril 1873, les monuments et plaques et les inscriptions de noms sur les monuments aux morts communaux ou paroissiaux.

Traces dans les archives

Parigné-l’Evêque, fin novembre 1870:

Le départ de l’armée pour St-Calais et Vendôme cause de lourdes charges à une partie de nos habitants. L’intendant général avait réquisitionné beaucoup de voitures de transport avec leurs conducteurs; et nombre de cultivateurs durent abandonner leurs travaux pour suivre leurs attelages. On nous avait promis de les renvoyer après 24 heurs, mais les nécessités de la guerre les retinrent pour la plupart, et il en est qui firent la campagne tout entière jusqu’à la retraite du 21e corps, soit six semaines, couchant sous leurs voitures, sans abri, sans argent, sans rations régulières pour eux et leurs chevaux. Leur misère fut telle que quelques-uns préférèrent abandonner chevaux et charrettes ainsi que leur droit à l’indemnité de 5fr. par jour et par collier.

livret de 1874 de Parigné-l’Evêque: Une commune de la Sarthe pendant l’invasion (1870-1871)

Outre les réquisitions de chariots, il y en eut de fourrages et d’avoine, jusqu’à épuisement de nos greniers bien pauvres. La récolte de 1870 avait été presque nulle; le foin valait 220fr. les 1,000 kil., l’avoine 30fr. l’hectolitre. Enfin le passage de si nombreuses troupes avait causé d’énormes pertes de pailles et de bois, des bris de clôture, avaries aux blés semés, etc. Toutes pertes que nous ne pûmes faire indemniser.

Chaque jour, du 29 novembre au 6 janvier, nous eûmes à supporter le passage de détachements et de convois considérables, allant à l’armée de la Loire ou revenant avec elle.

même livret que ci-dessus

Une aussi nombreuse armée, en marche pendant l’hiver, n’est point sans fournir beaucoup de malades. Parigné-l’Evêque n’a point d’hôpital. Il y eut nécessité de créer une ambulance provisoire. […] La maison mise à notre disposition avec son mobilier, contenait sept lits. Le Dr Fournier y organisa une ambulance. Destinée au début à recueillir des malades, en attendant l’évacuation sur Le Mans, cette maison devint vite insuffisante. Bientôt nous dûmes garnir de paille tous les appartements pour y recevoir jusqu’à 29 soldats. La gravité des cas nous força de garder des sujets qu’il était impossible d’évacuer. L’épidémie de variole hémorragique frappait cruellement l’armée, et notre petite ambulance eut six décès à regretter. En quatre semaines, nous avons secouru 132 malades.

même livret

9 et 10 janvier 1871:

Il n’y avait plus à tenir, les Prussiens attaquaient avec 15,000 hommes, et notre brigade composée d’environ 4,500 hommes, avait un officier tué, 15 blessés, et 1,370 hommes tués, blessés ou disparus depuis le matin. Le colonel Pereira ordonna la retraite par Ruaudin.

même livret

Au moment de la prise du village, 25 blessés environ étaient dans l’ambulance de la mairie, recevant les premiers soins du docteur Glatigny, chirurgien-major au 39e de marche, lequel fut fait prisonnier avec ses blessés. Avec lui était l’adjoint au maire Bonhommet, occupé à recevoir les blessés qu’on lui envoyait. Il fut averti d’avoir à se retirer, car une effroyable trombe de fer et de plomb s’abattait autour de l’édifice municipal qui fut atteint de 240 projectiles. La mort moissonnait autour de lui; il refusa d’abandonner son poste, et, en cherchant à faire respecter l’ambulance, il fut renversé par l’avalanche de Prussiens qui se précipitaient dans la mairie.

même livret

Dans toutes les communes sarthoises qui voient déferler les armées prussiennes, les mêmes scènes se reproduisent, comme à Ruaudin.

A la fin de la guerre, les habitants firent la déclaration des dégâts subis auprès de la mairie.

Les tombes militaires loi 1873

Le traité de paix du 10 mai 1871 stipule: « que les deux gouvernements français et allemands s’engagent réciproquement à faire respecter et entretenir les tombes des soldats ensevelis sur leurs territoires respectifs ».

Pour la France, un projet de loi est adopté le 4 avril 1873. Un vaste travail est entrepris par le ministère de l’Intérieur pour rechercher les sépultures disséminées sur les champs de bataille et pour élever des monuments commémoratifs sur les plus importants. En attendant le délai de 5 ans (décret du 23 prairial an XII) pour procéder aux exhumations, les préfets prennent des mesures d’urgence pour le respect des sépultures.

Les soldats français et allemands avaient été inhumés soit dans des fosses communes soit dans des fosses isolées dans les champs ou les cimetières communaux. Les transferts ont eu lieu à partir de 1876, dans des tombes spéciales en concessions perpétuelles, proportionnées aux inhumations, achetés aux communes par l’État.

Une enquête du ministère de l’Intérieur de 1878 (Émile Dehayes de MARCÈRE ) répertorie l’ensemble de lieux de sépultures. Pour la Sarthe, il est indiqué que 89 communes ont reçu les dépouilles mortelles de 5914 Français et Allemands

Amné-en-Champagne, Ardenay-sur-Mérize, Beaumont-sur-Sarthe, Beillé, Berfay, Bérus, Bessé-sur-Braye, Chahaignes, Conlie, Courdemanche, Dollon, Duneau, Ecorpain, Guécélard, Le Breil-sur-Mérize, Le Luart, Lhomme, Lombron, Mamers, Montfort-le-Gesnois, Montreuil-le-Henri, Noyen-sur-Sarthe, Nuillé-le-Jalais, Poncé-sur-Loir, Rahay, Rouez-en-Champagne, Ruaudin, Saint-Corneille, Saint-Georges-du-Bois, Saint-Mars-la-Brière, Saint-Pierre-de-Chevillé, Saint-Pierre-du-Lorouër, Saint-Vincent-du-Lorouër, Sainte-Cérotte, Savigné-l’Evêque, Sceaux-sur-Huisne, Ségrie, Tuffé, Valennes, Vallon-sur-Gée, Vancé, Vibraye, Villaines-la-Carelle, Vivoin, Vouvray-sur-Huisne.

 Saint-Denis d’Orques, Champagné, Changé, Chassillé, Château-du-Loir, Saint-Célerin, Parigné-l’Evêque, La Ferté-Bernard, Sillé-le-Philippe, Sillé-le-Guillaume, Saint-Calais, La Flèche, Ecommoy, Bonnétable, Pont-de-Gennes.

Arçonnay, Arnage, Assé-le-Riboul, Auvers-le-Hamon, Connerré, Longnes, Mézières-sous-Lavardin, Ruillé-sur-Loir, Sablé-sur-Sarthe, Saint-Rémy-de-Sillé.

Bouloire, Brains-sur-Gée, Courcemont, Fillé-sur-Sarthe, Fresnay-sur-Sarthe, Gesnes-le-Gandelin, La Chartre-sur-Loir, Lavaré, Maresché, Montbizot, Mulsanne, Neuvillalais, Pontvallain, Saint-Symphorien.

Sainte-Croix au Mans, Coudrecieux, Crissé, Briosne-les Sables

Les monuments

Des monuments se trouvent dans une trentaine de communes sous formes d’obélisques, de calvaires, de stèles, d’obélisques-ossuaires, de plaques, de colonnes, de vitraux. Ils peuvent être à l’initiative d’anciens mobiles, du clergé ou de particuliers.

Stéphane Tison Le Mans Université-Temos UMR 9016 CNRS-2023

Au Mans, le monument départemental a été érigé place de la Lune de Pontlieue à l’origine ; depuis 1970, il est dans le cimetière Sud.

L’obélisque en hommage à l’ensemble des morts dans les combats manceaux est érigé dans le cimetière de l’Ouest ; les dépouilles des morts enterrées dans 3 cimetières de la ville ont été regroupées dans cette tombe (loi 1873)

Un monument funéraire très sculpté a été érigé dans le cimetière de Pontlieue.

La statue en hommage à Chanzy et à la 2e Armée de la Loire a été inauguré en 1885 place de la République ; depuis 1970, il est place Washington.

À Pontlieue, sur le pont, une plaque explique les combats de la bataille du Mans et en particulier, la résistance des gendarmes lors de l’attaque prussienne pour entrer dans la ville. En contrebas, une stèle a été inaugurée en janvier 2023 en hommage à leur sacrifice.

Au Lude et à Sablé, ce sont des monuments cantonaux qui ont été érigés dans les cimetières à l’initiative d’anciens vétérans des Armées de terre et de mer.

Le Lude
Sablé-sur-Sarthe

Les anciens mobiles de Loire-Inférieure à Champagné, Denis Erard du 33e Mobile de Sarthe à Changé, ceux de la Gironde à Sillé-le-Philippe sont à l’origine de ces obélisques ou colonne. De même, pour celui de Connerré, au lieu-dit Le Houx.

Champagné
Changé
Sillé-le-Philippe
Connerré

À Yvré-l’Évêque, sur le plateau d’Auvours, l’obélisque-ossuaire en hommage au général Gougeard et à ses hommes a été élevé grâce à des souscriptions de particuliers et inauguré en 1874.Les mobilisés de Loire-Inférieure y ont déposé une couronne en bronze.

A l’initiative du clergé, une chapelle de l’église, est dédiée à ces soldats.

À La Chapelle-Saint-Rémy et à Beillé, c’est à l’initiative de Samuel Menjeot d’Elbenne que furent élevés les deux calvaires ; à Ardenay-sur-Mérize, l’initiative du calvaire en revient à Madame de Beauregard du château d’Ardenay.

À l’initiative du Comité de Secours et des habitants de Sillé-le-Guillaume, cet obélisque a été érigé en mémoire des morts dans les ambulances de la ville. Ce monument est présent lors de l’enquête de 1878 en application de la loi de 1873.

La Chapelle-Saint-Rémy
Beillé
Ardenay-sur-Mérize
Sillé-le-Guillaume

Cinq plaques dans l’église d’Ardenay-sur-Mérize en hommage aux combattants de la guerre et à l’abbé Brosset, une dans celle de Rouillon en hommage à l’abbé Morancé et une dans celle de Montfort-le-Gesnois pour l’abbé Fouqueray.

Ardenay-sur-Mérize
Rouillon
Montfort-le-Gesnois
texte de Karine Bergeot dans « La foi dans le siècle » P.U.R. p 358

Dans les églises des communes de Requeil, Aubigné-Racan, Chahaignes et Bousse, nous retrouvons presque la même scène dans chacun des vitraux consacrés à l’apparition du Christ au Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacocque (visitandine du 17e siècle) : un zouave pontifical touché sur un champ de bataille de la guerre 1870-1871. Ces vitraux ont été offerts par d’anciens zouaves ou de veuves d’anciens zouaves.

église de Requeil
église de Requeil
église de Chahaignes
église de Bousse
église d’Aubigné-Racan

À Yvré-l’Évêque, une chapelle est dédiée aux zouaves pontificaux qui ont combattu au plateau d’Auvours. De même un calvaire rappelle leur combat sur les lieux.

À La Ferté-Bernard, le vitrail a été posé en 1877. Il est dédié à la Vierge qui a sauvé la ville de l’armée anglaise au XVe siècle et la protégea durant la guerre 1870-1871.

Dans trois communes Courceboeufs, Sougé-le-Ganelon et Thorigné-sur-Dué, les monuments érigés après la guerre 1870-1871 ont été réinvestis lors de la guerre 1914-1918.

Courceboeufs
Sougé-le-Ganelon
Thorigné-sur-Dué

Des noms inscrits sur les monuments aux morts

Des noms de soldats inscrits sur des monuments aux morts communaux:

Chenu, La Chapelle-Saint-Rémy (sur le mur extérieur de l’église), La Chapelle-aux-Choux (photo à venir), Lombron (cimetière), Parigné-le-Pôlin, Saint-Jean-de-la-Motte, Saint-Pierre-du-Lorouër (mur extérieur du cimetière), Savigné-l’Évêque (plaque sans nom), Tennie (cimetière).

Des noms de soldats inscrits sur des monuments paroissiaux:

Connerré, Juigné-sur-Sarthe, Maresché, Parigné-l’Évêque

église de Chenu
monument aux morts de
Saint-Jean-de-la-Motte
église de Parigné-l’Evêque
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