Sougé-le-Ganelon

Le 24 janvier 1871, journée tragique à Sougé-le-Ganelon

La bataille du Mans des 10-11 et 12 janvier s’est soldée par une défaite française et l’occupation prussienne de la ville. L’armée prussienne poursuit les troupes françaises en direction de l’Ouest. Les 14 et 15 janvier, La commune de Sougé reçoit un bataillon de Mobiles de la Haute-Garonne. Le 15 janvier, la ville de Fresnay- sur-Sarthe est prise par plus de 5 000 soldats prussiens. A 15h, ce même jour, 3 cavaliers uhlans prennent possession du bourg. Une heure après, 600 hommes du 3e bataillon du 89e Régiment d’Infanterie du Mecklembourg envahissent la commune. Quelques canons sont rangés autour de l’église. Les soldats se logent chez l’habitant sans ménagement. Le 16 janvier, le régiment prussien quitte le bourg en direction d’Alençon. Du 17 au 22 janvier, des allers et venues de patrouilles de reconnaissance, des passages d’éclaireurs, de soldats et de cavaliers vont traverser le village.

Le 23 janvier une vingtaine de Francs-Tireurs tirent sur une patrouille de reconnaissance prussienne au Gué-Ory et blessent un cheval. Le 24 janvier, deux escadrons de Dragons et de Hussards ainsi que quelques centaines de fantassins prussiens sont de passage. Leur commandant prévient le maire que, si un seul coup de fusil est tiré, le village sera brûlé.

Vers 13h, une quinzaine de Francs-Tireurs français sont dans le bourg ; cinq d’entre eux tirent sur une reconnaissance prussienne près de la Martinière et blessent un cavalier et son cheval. Le Général Karl Von Schmidt, commandant à Fresnay, condamne Sougé à périr par le feu. Des cavaliers du 2e Régiment de Hussards Hessois, commandés par la major Von Klocke arrivent dans le bourg.

Soudain, les trompettes sonnent, les cavaliers allemands mettent pied à terre, de véritables hurlements sauvages sortent de leurs poitrines ; ils se précipitent en furieux dans les maisons, ils brutalisent les habitants sans s’inquiéter ni du sexe ni de l’âge, ils enfoncent les portes et les fenêtres qui ne s’ouvrent pas assez vite devant eux , ils brisent les meubles, ils amoncellent dans chaque chambre les débris du mobilier et les objets de literie qu’ils ont d’abord éventrés, et ils ne sortent qu’après avoir allumé l’incendie. Bientôt, le bourg entier n’est plus qu’un immense brasier.

Mais la rage de nos ennemis n’est pas assouvie encore. Deux mobiles de la Haute-Garonne, l’un grièvement blessé, Guillaume CAILLAUX, l’autre, François ALIBERT, sérieusement malade pour rejoindre son régiment, avaient été recueillis à la Castine, chez Madame GONTIER, et soignés par cette dame. Les Allemands découvrent Caillaux, ils s’en saisissent, ils l’arrachent de son lit, ils le lardent de coups de sabre, et, ô comble d’inhumanité et d’horreur ! ils traînent son cadavre jusque sur la route et ils le font piétiner par leurs chevaux. Cette sanguinaire besogne accomplie, ils mettent le feu à l’habitation, et l’autre infortuné mobile, Alibert, trop malade pour pouvoir s’échapper, fut étouffé dans son lit.

Une autre colonne de soldats prussiens arrivant sur Sougé avait saisi une trentaine d’hommes comme otages du côté d’Averton, et les emmenait attachés derrière les voitures. Parmi eux cependant se trouvait un loyal soldat, au cœur généreux, d’origine polonaise, révolté par le spectacle qu’il avait sous les yeux, et ému de compassion pour les otages d’Averton, avait, pendant ce temps, courageusement coupé les liens de ceux-ci en les engageant à fuir. Nos compatriotes, vous le pensez bien, suivirent ce conseil, où il nous et permis de dire que, sans la généreuse initiative de cet officier, leur vie eût couru les plus grands dangers. L’un d’eux en effet, un pauvre enfant de 17ans, Alcide ROULAND, ne peut s’échapper assez vite. Il fut repris par ses bourreaux, enchaîné de nouveau, et le lendemain matin son cadavre fut retrouvé criblé de blessures dans un champ avoisinant Sougé, sur la route de Fresnay.

Ce fut à six heures et demie seulement, qu’après avoir accompli leur œuvre maudite, nos ennemis se retirèrent enfin, laissant de bourg en feu et entraînant avec eux, comme otage, l’honorable et dévoué maire, mon regretté ami M. THIREAU. Pendant la soirée entière, pendant une partie de la nuit, le ciel demeura éclairé par les lueurs de l’incendie, visible de vingt kilomètres à la ronde, de Saint-Georges, de Douillet, de Montreuil, de Mont-Saint-Jean, d’Assé, de Saint-Léonard-des-Bois.

(récit extrait du discours prononcé le 8 avril 1901 à Sougé par l’Abbé MORANCE, ancien aumônier du 33e Mobiles et ancien vicaire de Sougé)

Le bilan de l’incendie est très lourd : 37 habitations détruites et 25 autres endommagées.

Lors des indemnités de guerre, la commission départementale a accordé 19 500F à la commune de Sougé. De plus, la souscription du Sou des Chaumières, a donné en 1872, 1500F à Adolphe Léger et 1000F à Marin Charbonneau. Une plaque commémorative a été apposée sur les façades de ces deux maisons.

La maison de l’école des garçons, édifiée en 1866, faisait partie des habitations détruites. En 1873, lors de sa reconstruction, la municipalité reçut du Ministère de l’Instruction Publique une subvention de 5 500F sur les 10 000F du devis.

(recherches de l’association Mémoire et Patrimoine  de Sougé publiées dans un recueil en juillet 2021 à l’occasion du 150e anniversaire de la guerre de 1870-1871)


Le 28 janvier 1871, un ballon se posait à Sougé-le-Ganelon

A partir du 19 septembre 1870, Paris est assiégé par les troupes prussiennes ; la ville se trouve isolée de la délégation du gouvernement provisoire réfugiée à Tours. Des ballons vont être construits pour répondre à cette impossibilité de communiquer avec l’extérieur. Du 23 septembre 1870 jusqu’au 28 janvier 1871, 66 ballons vont quitter Paris pour traverser les lignes prussiennes par la voie des airs, acheminant du courrier civil et militaire et des passagers.

Le 28 janvier 1871, au petit matin, le dernier ballon le Général Cambronne, s’envole de la gare de l’Est. Il est piloté par Auguste TRISTANT, marin volontaire âgé de 24ans. En fin de matinée, celui-ci pense pouvoir se poser à Saint-Hilaire-le-Lierru mais son ancre s’accroche dans le pigeonnier de la ferme de la Cour alors qu’apparaît un groupe de cavaliers prussiens. Le pilote coupe la corde afin de reprendre de l’altitude et se posera en début d’après-midi à Sougé-le-Ganelon. Le ballon est très vite dépecé pour être soustrait aux ennemis dont un détachement de cavaliers patrouille dans le secteur depuis la matinée. S’approchant du pont de Moré, aucun cavalier n’osera le franchir, la Sarthe étant forte et remuante après la fonte des neiges.

Pierre MOULARD, archiviste départemental, cacha le pilote et organisa sa fuite vers Mayenne ; lui-même partit à pied en passant par Saint-Léonard-des-Bois. Grâce à un subterfuge mis au point avec le colonel Bournel, commandant des mobilisés de la Mayenne dans le rayon de Pré-en-Pail, il retrouvât Tristant le 29 janvier au matin. Ils purent rencontrer le Général Jaurès et transmettre les dépêches urgentes notamment celle destinée à Gambetta, Ministre de l’Intérieur et de la Guerre.

Ce même 28 janvier 1871, l’armistice était signé à Versailles et mettait fin à cette guerre. L’occupation prussienne d’une grande partie de la Sarthe se poursuivit jusqu’en mars.

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