Monuments paroissiaux

Ériger un monument paroissial

Pour les catholiques, dès les premières semaines de guerre, l’appel à l’Union sacrée formulé par le président de la République Raymond Poincaré permit de surmonter les divisions survenues après la loi de séparation de l’État et de l’Église et se manifesta par une volonté commune de défense de la patrie. Sur le front, avec la suppression des exemptions pour les ecclésiastiques prise le 15 juillet 1889, prêtres, séminaristes et aumôniers militaires furent mobilisés dès 1914. 32 700 participèrent à la guerre, 4 600 moururent lors de ce conflit. Très tôt, le culte des morts fut célébré lors de journées de prières, messes, processions.

Reprenons le livret de Chaufour-Notre-Dame publié en 1920:

Afin de perpétrer le souvenir de leurs fils, de leurs frères, de leurs amis, dans l’Assemblée des Fidèles, et d’attirer plus particulièrement sur eux les prières de la religion et de la miséricorde de Dieu, plusieurs membres des familles des soldats morts et plusieurs de leurs amis, ont désiré qu’il fut posé, en face de la chaire, dans l’église même de Chaufour, où la plupart d’entre eux ont été baptisés et ont fait leur première communion, une plaque commémorative, sur laquelle leurs noms seraient rappelés, comme sur le monument du cimetière.

À Chaufour, le monument du cimetière et le monument paroissial sont réalisés dans le même élan. C’est sans doute le cas dans de nombreuses communes mais malheureusement, nous avons peu d’archives pour documenter les réalisations dans les églises.

Un monument paroissial existe dans 80% des églises. L’ est du département regroupe le plus grand nombre de communes sans monument paroissial.

Il est le plus souvent situé dans la nef, partie de l’église où les paroissiens viennent assister à l’office. Ce monument se trouve soit sous un Christ en Croix soit entre deux stations du Chemin de Croix. Assez souvent, il est associé à une statue de Jeanne d’Arc ou de Sainte Thérèse de Lisieux, patronne des soldats ou d’une Piéta.

Dans 9% des cas, le monument paroissial ne comporte aucun signe religieux, comme ici, à Challes.

La plupart du temps, des signes religieux ou des inscriptions religieuses accompagnent ce monument.

Chaufour-Notre-Dame
Chemiré-le-Gaudin
Mareil-sur-Loir

Aux symboles religieux, peuvent s’ajouter des marques patriotiques: la croix de guerre est très présente mais aussi le drapeau, le casque, la fourragère, l’épée, les rameaux de chêne et/ou de laurier, et même la grenade.

Vibraye
Gréez-sur-Roc
Bérus
Rahay
Courgenard

Le choix des paroissiens se porte à 42% sur le terme « enfants » et à 33% sur celui de « soldats »; le quart restant est tourné vers des formules telles que « A nos morts » ou « aux morts glorieux ». À titre de comparaison, les monuments communaux sont dédiés à 79% « A nos enfants » ou « Aux enfants » et à 12% « Aux soldats ».

« Morts pour la France » se lit sur 61% des monuments paroissiaux contre 84% pour les communaux.

La Patrie est évoquée dans la mention « Dieu Patrie » ou dans celle « morts pour la Patrie. »

Les monuments paroissiaux

De la simple feuille manuscrite jusqu’au monument très ouvragé, ces monuments rendent hommage aux morts de la paroisse.

Le tableau manuscrit

Les noms sont simplement écrits sous la dédicace ou bien sur un papier, imprimé au Mans par Bienaimé ou encore, sur un tableau en couleur, imprimé à Paris.

Sainte-Cérotte
Saint-Maixent

Les plaques

Les plaques simples (156 églises) représentent la moitié des monuments paroissiaux. Elles sont en marbre noir, blanc ou rosé ou en ardoise. Les noms sont le plus souvent gravés en lettres dorées mais parfois en noir ou en rouge sang.

Bessé-sur-Braye
Coulongé
La Flèche Ste Colombe
Mézeray
Saint-Mars-sous-Ballon

Cet entourage sculpté (63 églises) peut aller de la simple bordure à un ensemble très travaillé, orné de symboles comme à Montfort-le-Gesnois. Ce type de monument se retrouve dans une vingtaine d’autres églises avec une variation de taille (Allonnes, Beaumont-sur-Sarthe, Congé-sur-Orne, Coudrecieux, Degré, La Flèche, Le Luart, Marigné-Laillé, Marolles-les-Braults, Mayet, Neuvillalais, Parennes, Rouillon, Ruillé-en-Champagne, Saint-Christophe-du-Jambet, Saint-Ouen-de-Mimbré, Saint-Pierre-de-Chevillé, Saint-Rémy-du-Val, Vibraye)

Assé-le-Riboul
Teillé
Montfort-le-Gesnois
Allonnes
Torcé-en-Vallée

L’entourage bois (32 églises) se décline de la simple baguette à un ensemble sculpté comme à Saint-Germain-sur-Sarthe où cet ensemble est dû au talent d’un agriculteur, M. Provost, en 1933.

Volnay
René
Clermont-Créans
Saint-Jean-d’Assé
Saint-Germain-sur-Sarthe

Ces plaques émaillées (4 églises) proviennent de l’Émaillerie Française de Lyon: Requeil (photo), Château-L’Hermitage, La Fontaine-Saint-Martin et Surfonds.

Les éléments fabriqués en série

Ces éléments sont fabriqués dans des ateliers angevins, tels les ateliers Rouillard, présentés en catalogues avec possibilité de choisir la structure architecturée, le matériau (le plus souvent plâtre), la présence d’un tableau central ou non, le nombre d’éléments.

En Sarthe, à Courgenard, il n’y a qu’un seul élément avec les noms des soldats et la dédicace. Dans les églises de Malicorne, Villaines-sous-Malicorne, Pontvallain, Rouperroux-le-Coquet, Arnage , un tableau central est présent évoquant soit un paysage dévasté, soit les tranchées. Un ange apporte une couronne de laurier et une palme au soldat mourant, enveloppé dans le drapeau ou soutenu par l’aumônier; la scène est peinte en couleurs ou uniformément de couleur marron. Dieu apparaît dans les nuées sous forme du Christ au Sacré-Coeur ou de la Croix ancrée.

Arnage
Malicorne
Malicorne
Pontvallain
Rouperroux-le-Coquet
Villaines-sous-Malicorne

Ce monument produit en série est présent dans 16 églises sarthoises. Il porte ou non la signature de Eugène Blanc (Angers) ou de Étienne Camus (Toulouse); il est souvent difficile de voir la signature, le monument étant fixé trop haut. La mise en couleur varie ainsi que les matériaux (pierre, plâtre, tôle) et les dimensions.

La partie inférieure du bas-relief évoque un cercueil dans sa forme et est ornée de deux drapeaux entrecroisés avec un casque surmontant une croix de guerre et des palmes (feuilles de chêne et rameaux d’olivier).

Adossés à l’architecture, sur la gauche, un gaulois casqué (Vercingétorix?) est au repos, les mains jointes sur la poignée de son épée et sur la droite, un poilu adopte la même attitude, les mains jointes sur son fusil, la crosse au sol. Au centre, un aumônier agenouillé, donne l’absolution au poilu. Ce dernier est assis, le dos contre un rocher, du sang s’échappe du côté droit de sa poitrine, d’une blessure qui rappelle celle du Crucifié. Son regard est tourné vers la croix que lui tend l’aumônier et en même temps, sa main droite rejoint le terrestre. Les noms des soldats morts dans ce conflit accompagnent cette scène, inscrits en lettres dorées,en rouge sang ou en noir.

La partie supérieure renferme la dédicace paroissiale accompagnée de deux urnes drapées de noir. Sous la Croix, deux anges apparaissent dans les nuées, l’un tient la couronne d’une main et bénit de l’autre main, tandis que le deuxième tient une palme.

Cette scène associe le terrestre et le sacré, le sacrifice du soldat étant assimilé au sacrifice du Christ.

photo: église de Champaissant (Saint-Cosme-en-Vairais)

Les années passant, l’aumônier a parfois perdu sa main, le Poilu son fusil.

Ce bas-relief est présent aussi dans les églises de Avoise, Berfay, Blèves, Chemiré-en-Charnie, Dissé-sous-Ballon, Les Mées, Moulins-le-Carbonel, Pezé-le-Robert, Saint-Cosme-en-Vairais, Saint-Rémy-des-Monts, Soulitré

Les monuments peints

Dans les cinq départements des Pays de la Loire, il existe une cinquantaine de monuments aux morts peints dans les églises. La peinture est souvent associée à d’autres techniques comme la sculpture, la marbrerie, la menuiserie ou le vitrail. Une dizaine de ces monuments peints sont présents dans les églises sarthoises.

Les peintures sont accompagnées d’une sculpture de Jeanne d’Arc dans les églises de La Fresnaye-sur-Chédouet et Voivres-lès-le Mans; elles se développent au-dessus d’un autel à Neuvillette-en-Charnie et à Bazouges-sur-Loir; sur toile marouflée avec un fond or, œuvre de Lionel Royer ou Gaston Müller, dans les églises mancelles de Saint-Benoit, Saint-Pavin et du Pré; sur toile marouflée à Parigné-le-Polin avec un Christ; sur un pan entier du mur de transept, autour d’un vitrail à Saint-Denis-d’Orques.

Pour deux communes, Pontvallain et Villaines-sous-Malicorne, une stèle fabriquée en série (voir ci-dessus) est le centre de ces peintures.

Ces monuments peints sont répertoriés au niveau de l’inventaire des Pays de la Loire dans la base Gertrude.; une publication de 2014, dans la revue 303, « les monuments aux morts peints dans les églises » en présente une partie.

Bazouges-sur-Loir
Voivres-lès-le-Mans
Le Mans Saint Pavin
Saint-Denis-d’Orques

Ces trésors patrimoniaux sont à préserver et méritent d’être plus connus.

Les vitraux

Dans deux communes, Souligné-sous-Ballon et Villaines-la-Gonais, le monument paroissial est sous forme d’un vitrail, avec la liste des soldats pour le premier.

Souligné-sous-Ballon
Villaines-la-Gonais

Dans les autres communes, Rouez-en-Champagne, Crannes-en-Champagne, Pezé-le-Robert, Saint-Georges-le-Gaultier, Sougé-le-Ganelon, Saint-Germain-sur-Sarthe, Saint-Ouen-de-Mimbré et au Mans, à la cathédrale et à la chapelle de l’Hôpital, le vitrail accompagne le monument paroissial soit en le surmontant ou en étant à proximité.À Montbizot, ce vitrail de 1954, évoque les deux guerres mondiales. À Beaumont-sur-Sarthe, il représente Sainte-Thérèse, patronne des soldats.

Pour les représentations sur ces vitraux, il est nécessaire d’évoquer un des maîtres-verriers qui en a réalisé six, Albert Echivard ( la vidéo Stéphane Tison 2014 ou sous forme de texte ). Albert Echivard est un maître-verrier sarthois renommé; il a participé à la renaissance du vitrail dans la seconde moitié du 19e siècle soit sous forme de création soit en restauration. Son fils Maxime, né en 1892, a suivi ses traces et se prépare à succéder à son père. Malheureusement, soldat au 117e Régiment d’Infanterie, il est tué au combat dès le début de la guerre, le 13 octobre 1914 à Goyencourt. C’est un drame pour Albert Echivard qui va réaliser une vingtaine de vitraux évoquant la mort de son fils.

Souligné-sous-Ballon 1927
Villaines-la-Gonais 1922
Rouez-en-Champagne 1920
Crannes-en-Champagne
chapelle Hôpital 1938
cathédrale détail vitrail J. d’Arc 1927

Sur les trois premiers vitraux, le soldat prend les traits de Maxime, Jeanne d’Arc prend les traits de la fiancée de Maxime.

La référence au Christ au Sacré-Coeur est commune à trois églises, avec la représentation du soldat mourant qui se sacrifie comme le Christ.

St Georges-le-Gaultier
G. Léglise 1919
Sougé-le-Ganelon
G. Léglise Paris 1918
St Germain-sur-Sarthe
Lux Fournier Tours

Ces trois dernières verrières représentent toujours le sacrifice du soldat, illustré par la descente de Croix pour Pezé-le-Robert.

St Ouen-de-Mimbré C.Lorin Chartres 1930
Montbizot 1954
Pezé-le-Robert Alleaume 1923