Quand l'eau courante et l'électricité arrivent dans la plupart des foyers, la machine à laver devient un équipement ménager indispensable, soulageant les femmes de cette tâche ingrate qu'était le lavage du linge, tout en le faisant entrer définitivement dans la sphère privée. À partir des années 1970, mises à part quelques inconditionnelles de "la lessive à l'eau douce qui n'abîme pas le linge", le lavoir n'est plus fréquenté ni entretenu. Que faire de ce bâti communal qui se dégrade et devient dangereux? En milieu rural, comme les habitants, les collectivités sont très attachées aux lavoirs. En effet, ils évoquent pour certains des souvenirs d'enfance ou la mémoire d'une aïeule relatant il y a peu de temps encore le dur labeur de la lessive collective mais aussi la sociabilité à laquelle les rencontres au sein de cet équipement public donnaient lieu. Ces aspects ne sont sans doute pas étrangers à la patrimonialisation rapide des lavoirs, contrairement à d'autres édifices ruraux, peu de temps après leur abandon.
L'aide et le financement
- Une initiative nationale
En 1985, les municipalités de Bousse , Sillé-le-Guillaume et Thorigné-sur-Dué participaient à l'émission "Sauvons les lavoirs" de Pierre BONTE, diffusée sur TF1. Parmi toutes les communes de France candidates, seules trois d'entre elles étaient retenues, dont une sarthoise: Bousse! N'ayant pas les moyens financiers nécessaires à leur restauration, les deux autres collectivités ont démonté leur lavoir. Ainsi est disparu le lavoir de Thorigné-sur-Dué, construction unique en Sarthe: architecture à quatre pans, avec une ouverture à son sommet, dont les matériaux étaient issus de la démolition de la halle du village. Évidemment, cette initiative nationale ne pouvait pas répondre à l'ensemble des besoins.
- Le Conseil général
Depuis l'acte 2 de la décentralisation et la loi du 13 août 2004 qui a ouvert la possibilité aux collectivités locales de gérer les crédits déconcentrés de l'État sur les dispositifs de soutien à la restauration du patrimoine rural non protégé, le département de la Sarthe a pris cette compétence, offrant des possibilités de financement aux projets tant publics que privés. Cette politique a permis d'accompagner les communes dans leurs efforts de conservation du patrimoine local, terreau sur lequel repose l'attractivité culturelle et touristique de nos campagnes et la singularité de certaines de nos identités locales. En dix ans, ce sont vingt-huit restaurations de lavoirs que le département a accompagnées en mobilisant 100 000 € d'aides sur ces projets : Aubigné-Racan, Courdemanche, Poncé-sur-Loir, Vivoin, Marçon, Saint-Rémy-de-Sillé, Cherreau, Saint-Biez-en-Belin, Bernay-en-Champagne... (Information recueillie auprès du service patrimonial du Conseil général de la Sarthe)
- les Pays et les communautés de communes
Dans le Pays du Perche sarthois, des dispositifs régionaux (Contrat territorial unique) et européens (fonds Leader)) ont également permis de financer des projets de restauration publics et privés. Le programme mis en œuvre par la communauté de communes du Pays Bilurien témoigne d'une approche globale du patrimoine rural lié à l'eau (puits, lavoirs). Dans ce cadre, les lavoirs de Maisoncelles, Tresson et Saint-Mars-de-Locquenay ont été restaurés par la collectivité entre 2010 et 2012 dans le but de contribuer à la mise en valeur des itinéraires de randonnées. Il en a été de même pour la communauté de communes des Alpes mancelles avec les lavoirs autour de Sougé-le-Ganelon, Douillet-le-Joly, Saint-Aubin-de-Locquenay, Saint-Germain-sur-Sarthe, Montreuil-le-Chétif.
Par ailleurs, plusieurs particuliers ont pu également bénéficier d'aides financières de la Région des Pays de la Loire par l'intermédiaire du Pays du Perche Sarthois, pour des lavoirs situés au sein d'anciennes propriétés importantes (Le Chesnay à Torcé-en-Vallée) ou urbaines (3, rue Viet, la Ferté-Bernard). À La Ferté-Bernard, les porteurs de projets ont même pu recevoir des aides complémentaires de la ville qui mise sur la valorisation des canaux de l'Huisne dans le cadre de son développement touristique, ce qui lui vaut d'être qualifiée de "petite Venise de l'Ouest"
Les autres Pays ont eux aussi, accompagné des dossiers de restauration. Ainsi, le Pays de la Vallée de la Sarthe a subventionné la restauration du lavoir d'Avoise dans le cadre de son programme Leader 2007-2013. Le Pays du Mans a aidé des communes au travers de la Convention de Développement Local. De 2004 à 2007, le Pays Vallée du Loir a soutenu plusieurs opérations de lieux patrimoniaux liés à l'eau, principalement lavoirs et moulins, dans le cadre d'une convention avec la région Pays de la Loire. Il n'existe plus aujourd'hui d'aides spécifiques pour ce type de patrimoine mais un soutien est toujours possible à travers des programmes plus généraux.
À Saint-Calais , la municipalité achète des lavoirs privés le long de l’Anille, pour leur redonner leur cachet d’antan et valoriser ainsi le centre de la ville et vient de les mettre en valeur en y installant des reproductions de cartes postales.
- Le Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et de l'Environnement de la Sarthe (CAUE)
Ce service offre un conseil architectural, technique et esthétique aux communes qui s'adressent à lui. L'expertise du bâti ancien pour le patrimoine non protégé au titre des Monuments Historiques, est une de ses missions, confiée par le Conseil Général. Quand celui-ci participe au financement de cette restauration, le CAUE accompagne les élus dans leurs démarches et le suivi des travaux. En cette fin d'année 2014, il suit les dossiers de Montbizot et de Tennie. Les particuliers peuvent aussi s'adresser au CAUE et bénéficier de conseils avisés pour entreprendre la restauration d'un lavoir privé.
Créée en 1996, la Fondation du Patrimoine, habilitée conjointement par le ministère de l’Économie et le ministère de la Culture et de la Communication, a pour mission de sauvegarder et mettre en valeur le patrimoine bâti et paysager de nos régions. Elle accompagne concrètement les propriétaires privés et publics dans leur projet de restauration par des aides techniques et financières. Les lavoirs visibles depuis la voie publique peuvent bénéficier de cette aide.
La réalisation
Les bénévoles et les associations patrimoniales ont largement œuvré et pallié l’insuffisance de moyens financiers en assurant la réalisation des travaux, les matériaux pouvant être fournis par les municipalités. De 1986 à Ruaudin en passant par Requeil en 2014 où les efforts conjugués d’artisans et de bénévoles ont permis la renaissance d’un lavoir dont le bâti avait complètement disparu, jusqu'à Saint-Mars-d'Outillé en 2017, dans bon nombre de communes, toutes les bonnes volontés, y compris celles des élus, se sont retrouvées pour sauvegarder le lavoir.
Des chantiers d’insertion ont aussi participé à cette rénovation. Asnières a fait appel à REMPART, réseau d'associations au service du patrimoine. Le mouvement a été créé en 1966 pour la Réhabilitation et l'Entretien des Monuments et du Patrimoine Artistique. Un chantier international de jeunes (association CONCORDIA) a redonné vie au lavoir de Saint-Pierre-du-Lorouër.
Néanmoins, malgré la multiplication des aides, beaucoup de propriétaires ne peuvent se lancer dans la restauration parfois complexe et coûteuse de leurs lavoirs privés.
De tous les lavoirs privés qui émaillaient le paysage tant dans les fermes que dans les villages, il n’en reste guère.
Quant aux lavoirs communaux, les difficultés du maintien en bon état sont réelles face à des petites dégradations régulières: tuiles ou ardoises brisées, tags... Les grands préjudices comme le vol de la moitié de la toiture en une nuit, aux Mées, sont rares, fort heureusement. Mais, dans les villages, l'attachement à ce patrimoine est bien réel. Ainsi, aujourd'hui, 219 communes gardent au moins un lavoir. La plupart l'entretiennent régulièrement. Ce sont les lavoirs éloignés du bourg qui souffrent le plus.