Une guerre un peu méconnue
Cette guerre un peu méconnue est une étape vers les deux guerres de masse du 20e siècle. En cette deuxième moitié du 19e siècle, la construction de la nation allemande est en cours. La confédération germanique regroupe une trentaine d’états allemands. Depuis les guerres menées par la Prusse dans les années 1860, contre le Danemark puis contre l’Autriche (où elle fut battue à Sadowa), deux espaces sont bien dessinés : les états du Nord avec la Prusse et au Sud, l’espace danubien avec l’Autriche.
La montée en puissance de la Prusse effraie la France. Napoléon III n’est pas opposé à la construction d’une nation allemande mais il voudrait des gages pour repousser les frontières françaises vers l’Est. Normalement, tous ces échanges doivent rester secrets mais Bismarck, chancelier prussien, va les diffuser dans les cours européennes.
C’est dans ce contexte que la succession au trône d’Espagne, vacant depuis deux ans, est proposée au prince Léopold de Hohenzollern, cousin de Guillaume 1er, le roi de Prusse. La France se sentant menacée sur ses frontières de l’Est et du Sud lance un ultimatum à la Prusse. Le prince renonce à cette couronne le 12 juillet 1870 mais le gouvernement français est intransigeant et demande une attestation écrite. Bismarck va modifier le récit de la rencontre entre l’ambassadeur et le roi de Prusse ; cette fameuse dépêche d’Ems va pousser Napoléon III à déclarer la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Les états allemands du Sud rejoignent alors la Prusse.
Qu'en est-il des deux armées?
L’armée prussienne, pour sa part, s’est réorganisée à partir de 1815 dans la perspective de former une armée de réserve. C’est ainsi que les hommes sont enrôlés dans une conscription pendant trois ans puis reviennent à la vie civile tout en restant mobilisables pour une durée de quatre ans. Par la suite, ils sont intégrés à une armée territoriale.
L’armée française, quant à elle, vient tout juste de créer en 1868 « la garde mobile nationale », armée de réserve mobilisable en temps de guerre, afin de compléter l’armée professionnelle. Même si, comme le clame le Maréchal Leboeuf : « nous sommes prêts, il ne manque pas un bouton de guêtre », cette réforme est trop récente pour que les hommes aient tous reçus une solide formation militaire.
La mobilisation des troupes françaises est chaotique sans véritable stratégie sauf celle de défendre les frontières. La mobilisation prussienne est rapide avec l’objectif d’avancer vers Paris.
Le 2 août, c’est la défaite de Sedan et la capitulation de Napoléon III qui est fait prisonnier. Au cours de ces batailles, environ 130 000 hommes sont tués ou blessés ou faits prisonniers. C’est l’effondrement impérial; l’impératrice Eugénie fuit Paris.
Le 4 septembre 1870, sous la pression de la foule qui a envahi le Palais Bourbon puis s’est dirigée vers l’Hôtel de Ville, la République est proclamée. Le gouvernement de Défense Nationale s’engage dans la poursuite de la guerre. Mais Paris est encerclée par les Prussiens le 20 septembre. Gambetta quitte Paris en ballon le 7 octobre pour rejoindre Tours qui sera le siège du pouvoir.
Le reste de l’armée impériale est assiégée à Metz avec à sa tête, le général Bazaine. Désapprouvant le régime républicain, il tente de négocier la paix avec l’ennemi et renonce à poursuivre le combat, entrainant la capitulation le 27 octobre. Les 150 000 hommes qui composaient cette armée sont faits prisonniers et dirigés vers l’Allemagne.
Il ne reste presque plus rien de l’armée professionnelle ! Gambetta veut une guerre à outrance. Il va créer une armée populaire (en référence à celle de la Révolution française en 1792) composée de la garde nationale mobilisée avec des volontaires puis de tous les hommes célibataires ou veufs sans enfants. C’est une mobilisation massive, environ 1 600 000 hommes face à 1 300 000 Allemands. Le 33e Régiment de Mobiles de la Sarthe avec ses 3 500 soldats fera partie de l’Armée de la Loire qui comptera environ 600 000 hommes.
Les nouveaux moyens de communication vont être utilisés : le train pour les déplacements, les aérostats pour le courrier mais aussi les pigeons voyageurs avec les microfilms (mis au point par René Dagron originaire d’Asnières) ; un seul microfilm pouvait contenir 100 000 dépêches.
Les trois armées formées (Nord, Est et la Loire) doivent converger vers Paris assiégée. Mais en même temps, les troupes allemandes se dirigent vers la Loire entrainant les combats de Coulmiers, Loigny, Patay. L’occupation prussienne de la ville d’Orléans conduit à la retraite de l’Armée de la Loire qui se scinde en deux : une partie se déplace sur Bourges et la 2e Armée de la Loire dirigée par Chanzy fait mouvement vers Le Mans. Le gouvernement quitte Tours pour Bordeaux.
Le général Chanzy se retrouve à la tête de 115 000 hommes contre 90 000 prussiens.
Cette guerre va alors concerner directement la Sarthe. Une première incursion prussienne avait eu lieu en novembre 1870 vers La Ferté-Bernard mais elle avait été rejetée.
L’Armée de la Loire, dans sa retraite depuis Orléans, transite par Vendôme. Avec les défaites, Chanzy engage la mise en défense du Mans à la mi-décembre. À ce moment, les combats diminuent car les deux armées sont épuisées, affamées avec cet hiver particulièrement froid. Il s’agit d’avantage d’une logique de guérilla. Chanzy va envoyer en reconnaissance une partie de ses troupes vers le Perche et vers le Sud. Cette stratégie sera considérée comme une erreur. Des combats se déroulent à partir du 9 janvier sur Connerré, Champagné puis Yvré-l’Évêque, Parigné-l’Évêque et Changé. En général l’intensité des combats se réduit à la nuit tombée, mais ce ne fut pas toujours le cas. En effet, dans la nuit du 11 au 12 janvier, des affrontements à la baïonnette se déroulèrent jusqu’au petit matin.
La défense du Plateau d’Auvours était essentielle puisque représentant la clé de la route vers Paris. Dans un premier temps, ce plateau fut perdu par les troupes françaises mais par la suite, il fut repris par le général Gougeard avec les zouaves pontificaux et les Bretons au prix du sacrifice du tiers des hommes. Néanmoins, la percée des troupes prussiennes au sud de Pontlieue, à la Tuilerie (vers l’aérodrome) a permis leur entrée dans Le Mans où les combats se poursuivirent. Chanzy donne l’ordre de retraite vers Laval. Des affrontements vont se dérouler vers Ballon, Conlie, Sillé-le Guillaume, Fresnay, Longnes, Chassillé…et jusqu’en Mayenne, Saint-Jean-sur-Erve pour se terminer à Saint-Mélaine près de Laval.
L’Armée du Nord est battue à Saint-Quentin et pour l’Armée de la Loire il n’y a plus de possibilité d’aller vers Paris. C’est une dissension majeure dans le gouvernement : Gambetta et Chanzy étant pour la poursuite de la guerre tandis que Favre et Thiers sont pour l’arrêt.
Le 28 janvier 1871 l’armistice est signé et Gambetta démissionne le 6 février. Des troupes prussiennes vont occuper une partie du territoire sarthois jusqu’en mars. Le 18 janvier 1871, dans la galerie des Glaces de Versailles, le second Reich est proclamé. On peut alors parler d’Allemagne.
Au traité de Francfort du 10 mai 1871, la France perd l’Alsace et la Moselle et doit verser une très lourde indemnité de 5 milliards de franc or. Cette guerre exacerba les nationalismes et agita la France d’un courant revanchard qui fut une des causes du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Pour de plus amples renseignements, vous pouvez retrouver la conférence de Stéphane Tison donnée pour la commémoration du 150e anniversaire de la bataille du Mans. (Pousser le point rouge sur le curseur à 6 min, début de la conférence)
La Commune de Paris
400 natifs Sarthois dans la Commune de Paris 1871
L’Association sarthoise des Amies et Amis de la Commune de Paris 1871, en ce 150e anniversaire, sort de l’oubli ces citoyen.ne.s, jusqu’alors inconnus et anonymes, qui ont été poursuivis par la justice de Thiers, pendant la semaine sanglante (21mai-28mai 1871) et les années suivantes. C’est ainsi réhabiliter et rendre hommage à ces « gens de peu » qui ont combattu pour jeter les bases d’un nouveau monde s’appuyant sur les idéaux républicains de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de démocratie.
Originaires de la Sarthe, ils étaient partis à Paris pour trouver du travail, en cette deuxième moitié du 19e siècle, où la capitale était en pleine transformation sous la houlette du Préfet Haussman. Ils venaient de 189 communes du département dont 66 du Mans. Ils étaient ouvriers, artisans, commerçants.
La répression pendant la semaine sanglante et les mois qui ont suivi a été féroce et impitoyable : perquisitions, arrestations arbitraires : il fallait terroriser la population parisienne et la punir. Les chiffres sont éloquents : le rapport Appert (1873) annonce 38 578 arrestations dont 22 727 se traduiront par un non-lieu. Concrètement, suite à l’arrestation, on subissait l’emprisonnement pendant plusieurs mois, souvent dans les forts et bateaux-pontons de Brest, Cherbourg, Lorient et Rochefort, en attendant d’être jugé par un conseil de guerre.
Parmi nos 400 sarthois, 220 ont bénéficié d’un non-lieu, 50 ont été condamnés à la déportation en Nouvelle-Calédonie. Ils rentreront en France après l’amnistie obtenue en 1880 suite au combat tenace impulsé par Victor Hugo. 16 ont été condamnés par contumace, 39 à une peine de prison. Certains ont eu une remise de peine et d’autres ont un dossier non renseigné.
Parmi les communards, on recense 5 femmes :
- Alix Payen, née au Mans, engagée comme infirmière, a réussi à échapper à la répression. Sa correspondance pendant le siège de Paris constitue un témoignage bouleversant.
- Victorine Allusse, couturière née à Pontlieue, ambulancière dans le XIXe arrondissement, meurt à son domicile proche d’une barricade le 23 mai.
- Louise Arzelier, confectionneuse née à Neuvillette-en-Charnie, condamnée à 2 ans de prison.
- Marie-Magdelaine Champeau (x ?) couturière née à Bonnétable figure sur l’état des détenues écrouées le 23 juin à la prison Saint-Lazare à Paris, pour participation à l’insurrection et transférée à la prison des Chantiers à Versailles le 21 août 1871.
- Sidonie Pousset, lingère née à La Ferté-Bernard, son dossier ne donne aucun autre renseignement.
Le dernier communard jugé en… 1879 est un sarthois : Louis Chevallier, peintre né à Sablé, délégué, selon les sources, soit au service des réquisitions, soit au service des barricades. Condamné par contumace en 1873 à la déportation en enceinte fortifiée, il sera arrêté beaucoup plus tard et passera devant le Conseil de guerre du 16 juillet 1879 …qui ordonne un non-lieu.
Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, une brochure de 48 pages est disponible : contacter « amis.sarthe.commune1871@la poste.net »
Gérard Désiles
Président de l’Association sarthoise
Treize noms de rues au Mans
Pour le 150e anniversaire de la Commune de Paris, en relation avec l'antenne sarthoise de l'association des Amis et Amies de la Commune de Paris, l'Université du Maine, la municipalité du Mans a décidé de donner une nouvelle visibilité aux 13 noms de rues du quartier Vauguyon, en relation avec cet évènement. Le 29 mai 2021, une déambulation historique emmenée par Karl Zimmer, historien, a permis de mieux connaître ces personnalités. Ces rues du quartier Vauguyon avaient été baptisées de ces 13 noms de communards, en 1978, juste après l'élection du maire du Mans, Robert Jarry, sur une liste d'Union de la Gauche. Selon Karl Zimmer, Cela marque une réelle volonté politique de trouver des ancêtres communs, afin de renforcer cette union, tout en se réappropriant l'espace de la ville au nom du mouvement ouvrier. En même temps, le nom de la place Thiers (le fossoyeur de la Commune), près de la Préfecture disparaissait. Pour chacun de ces noms, la mention "Commune de Paris 1871"a été ajoutée.
BLANQUI Auguste 1805-1881
Il est surnommé « l’Enfermé » car il passera 37ans de son existence en prison. Il sera de toutes les émeutes. Il étudie le droit et la médecine et il s’engage très tôt en politique. C’est un républicain révolutionnaire. Il ne participera pas à la Commune, Thiers le fait condamner à mort et arrêter dans le Lot alors qu’il est malade. Après le massacre de la Commune, il se battra pour l’amnistie des communards.
CLEMENT Jean-Baptiste 1836-1903
Né de parents aisés, il est chansonnier puis il devient journaliste politique. Emprisonné, il est libéré en septembre 1870. Il est élu à la Commune de Paris, en charge des subsistances et de l’enseignement. Il se bat pour l’augmentation du salaire des femmes. Exilé après la semaine sanglante, il rentre en 1880. Il est l’auteur du Temps de cerises qu’il écrit en 1866 et dédie à une ambulancière de la Commune en 1885.
COURBET Gustave 1819- 1877
Peintre, sculpteur, autodidacte, il est élu républicain et est accusé d’être à l’initiative de la mise à bas de la Colonne Vendôme. Il est condamné et doit s’exiler en Suisse où il va mourir épuisé.
DELESCLUZE Charles 1809-1871
De nombreuses fois emprisonné, déporté à Cayenne, il profitera de l’amnistie de 1859 pour revenir et poursuivre le combat pour ses idées. Il adhère à l’AIT et fonde le journal Le Réveil. Il est très actif dans les instances de la Commune et il meurt sur la barricade du Château d’Eau le 25 mai 1871.
FLOURENS Gustave 1838-1871
Professeur au Collège de France, il exerce peu de temps et doit s’exiler à cause de ses idées républicaines. Il rentre en France après la proclamation de la République. Il est élu chef d’un bataillon de la Garde Nationale de Belleville. Il participe à l’insurrection des parisiens du 18 mars et élu à la Commune, il est chargé de la défense de Paris. Lors de l’offensive des communards du 3 avril 1871 contre les Versaillais, il est tué alors qu’il était désarmé.
GROUSSET Paschal 1844-1909
Étudiant en médecine puis journaliste. Il est rédacteur en chef du journal La Marseillaise, membre du Conseil de la Commune, très actif. Il est déporté en Nouvelle Calédonie d’où il s’évade. Il rentre en France lors de l’amnistie de 1880. Il est député socialiste de la 3e République.
MICHEL Louise 1830-1905
Fille d’un châtelain et d’une servante, élevée par ses grands-parents, elle devient institutrice. Elle fréquente le milieu révolutionnaire avant la Commune. C’est une figure emblématique de la Commune où elle sera ambulancière, combattante et oratrice. Condamnée, elle est déportée en Nouvelle-Calédonie. De retour à Paris à sa libération en 1880, elle poursuit son combat avec les anarchistes et laisse des écrits.
POTTIER Eugène 1816-1887
Dessinateur sur étoffes, poète et goguettier. Membre actif de la Commune, il réussit à s’enfuir en Belgique puis en Angleterre. Condamné à mort par contumace, il gagne les États-Unis. Il écrit les paroles de l’Internationale en juin 1871. Cette chanson sera mise en musique en 1888. Elle se répandit peu à peu en France puis dans le monde en devenant l’hymne de l’Union soviétique. Quand en 1966, un engin soviétique se posa sur la Lune, c’est l’Internationale qu’il diffusât.
PYAT Marcel 1810-1889
Il est avocat, journaliste. Il adhère à l’AIT en 1864 et il fonde le journal Le Combat. Il est élu au Conseil de la Commune. Il s’enfuit en Angleterre avant d’être condamné.
ROSSEL Louis-Nathaniel 1844-1871
Fils de colonel, dans une famille républicaine, il fera une partie de ses études au Prytanée militaire de La Flèche et sera le seul militaire haut gradé à rejoindre la Commune. Refusant de quitte la France, il sera fusillé par Thiers.
VAILLANT Edouard 1840-1915
Ingénieur des Arts et Manufactures puis devient docteur en médecine en Allemagne. Il est membre de l’AIT. Il rentre à Paris en 1870. Il est à l’origine de la création du Comité Central de la Garde Nationale. Il est l’un des 4 rédacteurs de l’Affiche rouge qui appelle à la formation de la Commune, le 5 janvier 1871. Il tente de développer l’école pour tous. Il s’exile en Angleterre ; il sera toute sa vie socialiste révolutionnaire.
VALLES Jules 1832-1885
Journaliste, écrivain (l’Insurgé) et très engagé pour la Commune de Paris ; il est l’un des 4 signataires de l’Affiche rouge du 6 janvier 1871. Menacé de mort à la fin de la Commune, il émigre et ne rentre qu’en 1880.
VARLIN Eugène 1839-1871
Originaire d’une famille de paysans pauvres ; apprenti peintre, devient artisan relieur. En 1857 il participe à la fondation de la société de secours mutuel des relieurs puis devient président de la Société d’Epargne et de secours mutuel des relieurs. En 1869, il fonde l’Union de toutes les organisations syndicales de Paris. Il participe activement à la Commune ; il est fusillé le 28 mai.